Galerie ETC
« On paper »
19 mars – 30 avril 2022
28, rue Saint-Claude 75003 Paris
Le papier est intrinsèquement lié à l’écriture, c’est-à-dire à un message à regarder. Le lien entre le dessin et l’écriture est établi par la notion de graphein dans la Grèce antique ou par la calligraphie orientale selon lesquelles les deux termes désignent une seule et même chose. Issus de contextes artistiques, historiques et géographiques différents, Mathieu Bonardet, Stéphane Bordarier, Alan Charlton, Claude Chaussard, René Guiffrey, Albert Hirsch, Charles Pollock et Max Wechsler présentent des travaux sur papier qui engagent une écriture, autrement dit un système visible – et non nécessairement lisible – de signes.
Chez ces huit artistes, le papier se caractérise déjà d’un point de vue plastique : le papier a une peau car il est marqué par une consistance, une trame, une fibre, une pulpe. Il y a donc un rapport éminemment haptique au papier, dans le sens où celui-ci appelle une manière d’être touché.
Ici, la diversité d’utilisation participe à sortir le papier de son statut d’ébauche, d’esquisse, de non-fini, de ce sur quoi l’on « jette » ce qui relève d’une pensée furtive et non aboutie ou l’on « couche » ce qui serait sinon voué à la disparition.
L’expression, « sur le papier » désigne aussi l’écart entre le plan et son exécution, comme si le papier ne pouvait se ranger que du côté du fragile et du temporaire. Contre cette pensée commune, les œuvres d’On paper sont imprimées, effleurées, surmontées, voire creusées, découpées et collées, alimentant l’idée que le papier a et est une « marque ». D’un côté, il s’agit de la “marque” au sens littéral : chacun des artistes se distingue par sa « marque de fabrique » (papier Arches, Bfk Rives, Hahnemühle, papier journal, Drop paper). De l’autre, la marque définit la nature de la relation entretenue au papier, qu’il soit support ou matériau. Cette marque résulte de la vie plus ou moins cachée du papier et de son traitement purement physique. Le trait est endurant et mécanique chez Mathieu Bonardet, le texte s’épuise tout en s’accumulant chez Max Wechsler et les lettres des anges s’effacent chez Claude Chaussard. Tout ce jeu d’avancée et de retrait donne au papier une capacité de battement, comme un mouvement de diastole et de systole au coeur du medium. Par exemple, le papier s’intègre au travail de transparence que René Guiffrey développe dans une étude sur verre.
Concernant la peinture à l’huile et à l’acrylique de Stéphane Bordarier, sa matité et son épaisseur la rattachent à la technique de la fresque dont l’empreinte, ici, s’effectue non sur un mur mais encore sur papier. Dans l’œuvre d’Alan Charlton, le dessin répond à un protocole, quand il serait à ranger du côté du symbole et du signe dans les séries ponctuant le parcours de Charles Pollock. L’écriture est encore autre avec Albert Hirsch, qui reprend des mouvements de danse pour inciser le papier cotonneux.
Elora Weill-Engerer
Critique d’art, membre de l’AICA